Modifier notre environnement grâce à la biologie synthétique : un risque environnemental. Photo:Clipdealer
Le rapport « Frontiers 18/19 » des Nations Unies a identifié six nouveaux défis environnementaux majeurs. Il s’agit des applications de la biologie synthétique, du mitage du territoire, de la fonte du pergélisol, de la pollution due à l’azote et du changement climatique. Ce rapport reconnaît que les applications de la biologie synthétique vont au-delà de la manipulation des microbes en laboratoire. L’utilisation ce cette technologie conduit à la propagation d'espèces génétiquement modifiées au-delà des frontières internationales et à la transformation permanente d'espèces sauvages. Il souligne que « la dissémination intentionnelle ou accidentelle d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement pourrait avoir des effets négatifs importants sur la santé humaine et environnementale. »
La biologie synthétique recouvre toute manipulation génétique d’organismes vivants qui vise à créer dans des êtres vivants de nouvelles fonctions qui n'existent pas dans la nature afin de répondre aux besoins humains. L’ensemble des applications de la biologie synthétique représentera, selon le rapport, un marché de 13,9 milliards de dollars américains en 2022. Cette technologie est couramment utilisée en laboratoire sur des bactéries ou des levures pour la synthèse en laboratoire de produits chimiques. Mais, sous la dénomination de biologie synthétique se cache souvent des programmes de modification génétique d’organismes sauvages comme le châtaigner américain, le moustique anophèles et de multiples autres espèces d’insectes. Le forçage génétique est une des applications de la biologie synthétique. Elle vise l’éradication d’espèces d’insectes nuisibles à l’homme par la dissémination intentionnelle d’organismes génétiquement modifiés.
Alors que même le confinement d’organismes modifiés génétiquement en laboratoire n’est pas infaillible et qu’il existe des cas documentés de dissémination accidentelle, le rapport reconnaît que la dissémination volontaire à large échelle d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement pourrait « causer des dommages irréversibles à l'environnement et constituer des menaces géopolitiques importantes ». Il souligne également que « dans le cas d'une dissémination intentionnelle [d’OGM], les préoccupations relatives à une éventuelle contamination croisée génétique entre espèces, aux interactions écologiques et aux impacts sur les écosystèmes et leurs services demeurent largement non résolues. »
L'exemple le plus parlant est le programme d’éradication, par forçage génétique, du moustique Aedes aegypti, vecteur de la fièvre dengue, du virus zika et du chikungunya. Ce programme commercial est le programme le plus avancé d'éradication d’un être vivant par forçage génétique. Il aurait dû mener à la disparition de 90% des moustiques Aedes aegypti dans les zones tropicales. Mais il n’a pas atteint ces objectifs. Aucune donnée ne permet actuellement de démontrer une diminution des maladies dans les zones où le programme d’éradication a été testé. De plus, ce programme n’était accompagné d’aucune étude d’impact environnemental et une éventuelle contamination génétique croisée entre espèces de moustiques n’a pas été testée alors que ce phénomène a été décrit dans les moustiques anophèles.
Le rapport souligne que « la dissémination intentionnelle d'organismes modifiés et leur potentiel de transformation permanente d'espèces sauvages et de franchissement des frontières internationales mettra à l'épreuve les règlements actuels. » Le principal risque environnemental identifié dans le rapport est la transformation d’une espèce entière et, potentiellement, de tout un écosystème par la libération dans l'environnement d'un petit nombre d'organismes génétiquement modifiés. Ainsi, bien que les experts des Nations Unies ne se montrent pas en faveur d’un moratoire sur le forçage génétique, ils recommandent au moins l’application d’une approche de précaution.